| Message:
>Tu ne crois pas que, la plupart du temps, quand on dit "Je suis Unetelle", on
>a forcément en tête "Je suis Unetelle qui aime ci, fais ça, viens de là et va
>là-bas" ?
Ben non, pas forcement justement... le fait meme de repondre du tac-au-tac par son nom, sans tiquer (c'est la tactic du tac-o-tac!) sur "l'abus" de langage qu'on effectue ainsi, ca me fait penser que les gens, quand ils repondent ca, ils pensent juste a leur nom. Ca ne veut pas dire qu'une personne qui repond ca est pour autant debile ou sans conscience de soi, mais ca veut dire qu'un petit pas de plus vers une alienation a pu etre franchie par cette deformation de langage courante.
>Tu penses que cest le contraire, que les gens se contentent d'un mot pour être
>(j'ai du mal à l'écrire car j'ai du mal à l'imaginer)
Ce que je pense surtout, c'est que peu de gens se rendent veritablement compte de la deformation qui a ete effectuee lorsque, par "qui etes vous / je suis" on comprend "comment vous appelez-vous / je m'appelle".
Finalement, on en arrive au probleme suivant: essaie d'inciter quelqu'un a se definir lui-meme, a se caracteriser, a comprendre qui il est vraiment (sa personne, son essence, ce que tu veux, du moment que ca mene a une expression plus profonde de lui que par un simple nom). Et bien, tu ne pourras te contenter du simple "qui es-tu" pour arriver a tes fins (parce que le gus te repondra par son nom, c'est tout); pourtant, on sait que les questions les plus profondes sont aussi les plus simples (ou, pour etre plus exact, que plus une question avec de la profondeur est simple, plus elle est importante).
Bref, la deformation de langage que je voulais mettre en exergue est du genre qui rend plus difficile les veritables (importantes) "interrogations", qui est donc un frein a l'evolution personnelle (parce qu'on est formatte par la maniere dont on parle).
>Alors tu rapproches la télé (et le reste) de la façon de parler et donc de
>penser (dans cet ordre) des gens ?
On pense (95% du temps) en parlant, donc ce qui affecte la parole affecte la pensee (en separant "parole mentale" de "parole physique": si on te coupe tes cordes vocales, tu peux encore penser tres clairement, mais parce qu'il te reste la parole mentale (tout comme les muets ont une parole mentale)... bref, j'espere que tu vois ce que je veux dire).
Quand au fait que ce soit la tele et le reste: tout notre environnement nous forge, donc oui, la tele (et le reste) determinent aussi notre facon de parler.
>D'ailleurs, est-ce qu'une éventuelle pauvreté de langage/pensée empêche la
>conscience de soi ?
J'aurai envie de dire "bien sur"!
Mais en precisant: la conscience de son veritable etre et potentiel (pas juste la conscience de "j'existe": ca, tous les animaux l'ont a un niveau ou un autre). Ca affecte surtout nos capacites a ameliorer cette conscience et a nous ameliorer nous-meme. Si, dans un langage, tu elimines toute reference au "je", tu incites les gens a penser qu'ils ne sont rien en tant qu'individu (qu'ils n'existent qu'au travers du "nous" (le groupe) ou du "on" (un etre indefini, sans texture), par exemple); sacrement dur de prendre conscience de soi et de ses propres capacites personnelles dans ce genre de langage.
D'ailleurs, tu le dis toi-meme plus haut: "j'ai du mal a l'ecrire car j'ai du mal a l'imaginer"... en fait, j'aurai envie de dire que c'est parce que tu n'arrives pas a l'ecrire que tu ne parviens pas a l'imaginer (bien que pensee et langage deviennent indissociables a un certain niveau (l'un ne precede pas l'autre, les deux sont simultanee et confondus)). Si un langage n'a pas prevu d'exprimer un certain concept, ce dernier est quasiment inaccessible et il faut etendre (ou redefinir) le langage pour l'atteindre.
Il y a des cas tres interessants venant des mathematiques (et exprimable dans tout langage qui se veut logique); par exemple: "le concept que l'on ne peut pas definir dans un langage francais logique". Cette phrase defini un concept, mais ce concept n'est pas exprimable dans un francais "logique" (qui voudrait respecter certaines regles essentielles de logique); en effet, si ce concept etait exprimable dans une telle langue, il existerait dans cette langue, et sa definition meme precedente amenerait a une contradiction; or une "logique" de base rejete les contradictions, donc ce concept n'est pas exprimable en "francais logique". Cependant, en etendant la langue (en acceptant le "francais courant"), j'ai pu definir ce concept sans trop d'effort. Voila un exemple, frappant a mon sens, qui montre que le langage peut limiter notre pensee (ce qui ne veut pas dire, toujours comme on le voit dans cet exemple, que cette limitation est infranchissable; mais ca peut etre plus ou moins facile).
Il me semble que tu connais David Brin; dans son cycle de l'elevation, il s'est souvent amuse a faire penser aux ET "quelle langue barbare, cet anglique, ou l'on peut exprimer des choses completement illogiques qui ne sont exprimables dans aucun autre langage galactique 'propre' ".
Chaos Primaire. |
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