Message:
Mais c'est dans les archives, alors un lien ne marche pas. Alors si ça intéresse quelqu'un, je le copie-colle ici, mais c'est un sacré pâté. ( et il y a même un bonus coquin à la fin ^^)
Le livre
RÉSIDUS DE VIE - Laissez parler les petits papiers
Davy Rothbart et Jason Bitner collectent depuis des années listes de courses, morceaux de journaux intimes, photos et autres bouts de papier. Ils viennent de les rassembler dans un livre.
Les déchets des uns sont le trésor des autres. Cette formule résume assez bien le concept du magazine Found. En l’occurrence, pour Davy Rothbart et Jason Bitner, ses cofondateurs, les rebuts se sont même transformés en contrat d’édition. Mêlant l’intime au dérisoire, le comique au bizarre, Found est un catalogue des déchets de notre vie : vieilles photos, listes de choses à faire, lettres d’amour, poèmes griffonnés sur une serviette en papier ou cartes d’anniversaire trouvés sur des panneaux d’affichage, sur des pare-brise ou sur le trottoir. Rothbart avoue être un collectionneur dans l’âme, mais c’est une trouvaille particulière qui l’a incité à créer le magazine, un petit mot glissé sur le pare-brise de sa voiture : “Mario, putain, je te déteste. Tu m’as dit que tu devais travailler, alors qu’est-ce que ta voiture fout là, devant chez elle ? T’es qu’un sale menteur, je te déteste. Amber. P.-S. : Fais-moi un bip plus tard.”
La maison d’édition Simon and Schuster a proposé à Rothbart de compiler dans un livre toutes ces petites choses qui ont valu des milliers de fans au magazine. Intitulé Found*, le livre serait comme un cousin gentil et empathique des émissions de téléréalité. Mais ces bribes de la vie quotidienne sont incontestablement plus réelles que la plupart des émissions de téléréalité. Personne ici n’est obligé de se prêter à des mises en scène, personne n’est humilié en public, gonflé au silicone ou contraint de boire d’horribles mixtures. Le regard porté sur ces déchets présentés n’est ni moralisateur ni larmoyant, mais simple et direct. Les gens sont pour ainsi dire épinglés sur la page tels des spécimens de papillons, avec toutes leurs faiblesses, leurs peurs, leurs côtés excentriques, leur normalité ennuyeuse.
L’esthétique de Found vient constamment souligner l’authenticité des pièces rassemblées dans le livre. Des notes griffonnées sur un bout de papier froissé, déchiré, sont imprimées avec tous leurs plis et leurs déchirures bien visibles. Les images et les textes sont assemblés un peu n’importe comment, à la manière de collages, empiétant les uns sur les autres et fixés par du ruban adhésif visible.
Même si Rothbart et Bitner ont dû faire le tri parmi la quantité impressionnante de matériaux qu’on leur a envoyés, l’ensemble donne une impression de joyeux désordre, où le dérangeant voisine avec l’humour enfantin et l’étrange. Au fil des pages, on trouve une brosse à dents brûlée, trouvée dans les ruines de Waco [en 1993, quelque 80 adeptes de la secte des davidiens s’étaient donné la mort dans leur ranch avant l’assaut des forces de l’ordre], une reconnaissance de rançon rédigée par un écolier qui avait pris en otage le classeur d’un camarade pour 3,50 dollars, une affiche à l’attention de résidents d’un immeuble leur demandant de fermer la porte d’entrée pour “empêcher des personnes non autorisées de pénétrer dans le bâtiment et de déféquer dans le lave-linge”.
Found est même émouvant par moments, ce qui est rarement le cas des émissions de téléréalité. Certains des objets les plus évocateurs sont presque comme de minuscules histoires fragmentaires. Par exemple, ce mot dont son découvreur raconte qu’il a marché dessus pendant toute une semaine avant de finir par s’arrêter pour le ramasser : “A celui ou celle qui trouvera ceci – j’espère que votre vie est parfaite. Mon père et ma belle-mère ont été tués alors que j’étais dans cette maison. Ma grand-mère, ma tante et mon oncle ne veulent rien savoir de moi. Mon rêve, c’est d’être mannequin un jour, j’espère. Bonne chance à vous et à vos rêves. Une inconnue, Monique.”
Difficile aussi de rester insensible à cette série de lettres qu’un homme a dénichées dans le grenier de son arrière-grand-mère, écrites du camp de concentration de Theresienstadt par des parents juifs en 1943. Dans la mesure où toute la correspondance était surveillée par les SS pour vérifier qu’elle ne contenait aucune allusion à la terrible vérité, ces lettres respirent un bien-être forcé : “Ici, nous respirons le bon air ; Theresienstadt est en altitude. Il y a beaucoup de soleil, et mon travail m’amène souvent à sortir en plein air.” On trouve aussi dans Found un lot de papiers tombés des étages supérieurs du World Trade Center le 11 septembre 2001.
Mais ces exemples représentent des cas extrêmes. Car l’une des raisons pour lesquelles la téléréalité est tellement fabriquée, c’est qu’il n’est pas si intéressant que cela de regarder des gens ordinaires dans leur train-train quotidien. Hormis les trouvailles vraiment étonnantes, Found est un catalogue des banalités qui font nos vies réelles. Il y a des pages et des pages de listes de courses et de messages pour retrouver un animal de compagnie, de mots laissés sur des voitures pour se plaindre d’une alarme qui ne cesse de sonner. Bitner reconnaît lui-même qu’on lui propose toujours un peu la même chose. Parfois, dans la réalité, la banalité n’est pas autre chose que banale.
* Fireside Books, New York, 2004. Pas encore traduit en français.
Elana Berkowitz
The New Republic
Version hard
Parmi les papiers collectés par Davy Rothbart et Jason Bitner, il y a bien sûr plein de photos sexy, de griffonnages érotiques, de messages lubriques. Ils ne figurent pas dans Found, mais Jason Bitner les a rassemblés dans un petit livret de 80 pages, intitulé Dirty Found N° 1, en vente depuis fin novembre aux Etats-Unis. On peut se le procurer, de même que Found, sur le site du magazine du même nom (http://www.foundmagazine.com/). |