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Marie Coppola, euh, pardon, Antoinette... non. Bon, reprennons.
Sophia Coppola. Un nom qu'il faut retenir. Un auteur, un vrai. Le premier de ces films m'avait paru totalement insipide et niais. Le second m'avait retourné, et incité à revoir le premier. Le dernier... comment le dire sans trop s'épancher... Disons qu'il laisse entendre la merveilleuse petite musique de Madame Sophia Coppola. Ce film éclaire les deux autres tout autant qu'il en est éclairé. Voila un film sur une souveraine -une vraie, de droit divin, elle- qui parle tout à la fois des ignobles milliards de petits souverains que nous sommes, de la fatalité de la corruption du beau -dont le traitement de cette oeuvre, à Canne, est une ironique illustration- , et de ce qui se passe chez nous depuis un peu plus de deux cents ans... Ceux qui en parle depuis quelques jours sur les plateaux TV de notre chère contrée n'ont, comme d'habitude, rien écouté de ce qu'on leur disait, ni rien vu de ce qu'on leur montrait. Trop préssé de savoir quoi en penser ou, plutôt, comment dire ce qu'ils avaient tous de si important à dire, ils n'ont rien vu, ni rien écouté. Comme d'habitude... Il est des habitudes qui ne changent pas ; d'ailleurs pourquoi voudriez-vous qu'elles changent... ca marche si bien comme ca!
La seule oeuvre qui m'ait fait la même impression (au sens fort d'impression, une empreinte si vous préferez)au cours de ma courte vie est L'insoutenable légèreté de l'être, de Monsieur Milan Kundera. Plus précisement, pour ceux d'entre vous qui l'ont lu, la partie intitulée: le sourire de Karénine. J'aurais tendance à dire que ce film est à la filmographie de Madame Sophia Coppola ce qu'est cette partie au roman de Monsieur Milan Kundera: le piège émotif qui se referme sur le lecteur, mais qui ne peut exister couper du reste de l'oeuvre. Piège qui n'a aucun sens en lui-même, et qui donne sens à tout le reste.
Pourquoi l'homme est condamné au devenir-touriste et son monde au devenir-même et son amour à l'inexistence dans l'incompréhension ainsi que nous le montrait magnifiquement Lost in translation? Parce que Marie-Antoinette!
Pourquoi de belles jeunes filles qui n'ont rien connu ni du monde, ni de l'existence se suicident-elles? Parce que Marie-Antoinette.
Ce n'est pas fini, on en est juste que là , mais elle est toujours vivante et son oeuvre continue à se contruire. Tant mieux.
Si vous allez voir ce film, par pitié, ne tombez pas dans les multiples pièges qu'elle vous a tendu. Et si, par hasard, vous y tombiez, ne soyez pas trop pressé d'en dire du mal, retournez le voir, laissez lui une seconde chance. La première image avant le générique vous prévient: Marie-Antoinette, ici, n'est que Kristen Dust qui sait que vous la regardez et qui vous sourit! Le générique est tout sauf un générique de biographie de reine du XVIII ème siècle. Faites attention aussi au fait que pour un film sur une héroine éponyme on ne l'entend qu'exceptionnellement peu, en proportion à ce que l'on entend sur elle. Ce film est un piège. Mais un beau piège. Il y aurait encore tant à dire... sur l'usage de la musique, sur ce que l'on a comme réponse (tellement simple et tellement juste) à cette question avec laquelle certains ne s'en sortent toujours pas et qui est la révolution française, sur nous...
Ce film est, avant tout et comme les deux autres, un film sur nous et notre sinistre époque. Il prend, cette fois, la forme d'un instantané de quelqu'un qui a vu comment cette merde a commencé. Rares sont ceux, ou celles, qui nous proposent au cinéma autres choses que des formes narratives inocentes et gratuites, Madame Sophia Coppola fait partie de ces Happy Fews.
SBA |